Quand j’ai commencé le métier de photographe il y a vingt cinq ans, j’utilisais des émulsions argentiques que me fournissait la rédaction du quotidien régional pour lequel je travaillais. Pour des raisons de coût, le journal me donnait principalement des films noir et blanc. À partir du négatif développé, je réalisais moi-même les tirages au labo. Ce fut un apprentissage long et minutieux dont je garde une certaine nostalgie. Je passais des heures à jouer avec les temps de pose, les masquages à la main sous l’agrandisseur et les grades de papier avant de voir apparaître, comme par magie, mes images dans le révélateur. Je cultivais alors, sans le savoir, mon goût des noirs profonds, des contrastes soutenus et du grain brut. L’arrivée du support numérique a changé ma façon de travailler sans modifier ma façon de voir : pour moi, la photographie est et restera monochrome.
- La force esthétique et symbolique du noir et blanc
Je suis très inspiré par les maîtres de la photographie que sont Ansel Adams, Henri Cartier-Bresson, Elliot Erwitt, Peter Beard ou Sebastiao Salgado. Leur approche avec des noirs denses et des lumières soignées constitue pour moi le pilier du message visuel. À l’instar de ces photographes, je privilégie l’usage du monochrome car il me permet de focaliser le regard sur l’essentiel de la scène au lieu de le disperser par les effets d’attirance et de répulsion de certaines couleurs.
- Liberté et cohérence
Je me sens plus libre quand je photographie en n&b car je me concentre ainsi d’avantage sur les personnages, les formes, la composition, les lumières et les ombres. J’aime jouer sur les cadrages et je n’hésite pas à sortir des schémas classiques et des prérequis pour donner à surprendre ou à réfléchir. En ce sens, le noir et blanc est le médium idéal. Il apporte en sus une cohérence dans l’ensemble de mon travail. Que ce soit l’été ou l’hiver, l’aube ou le crépuscule, le Botswana ou l’Afrique du Sud, l’animal ou le paysage, le fait de travailler en n&b donne immédiatement une unité esthétique et renforce mon postulat subjectif et poétique.
- Les animaux sauvages sublimés par le monochrome
Alors que je poursuivais une carrière de photojournaliste dans le sport, j’ai initié en 2002 un travail personnel sur la faune sauvage, spontanément réalisé en noir et blanc. Je n’avais aucune commande donc aucune exigence éditoriale ; seulement l’envie et le plaisir de découvrir, dans leur environnement naturel, des espèces emblématiques qui m’avaient toujours fait rêver. La beauté graphique de la robe des zèbres et des silhouettes de girafes donne matière à des compositions travaillées, où se répondent et s’enchevêtrent formes animales et végétales. Mon approche de la photographie animalière adopte ainsi une démarche artistique où l’attitude interprétative prévaut sur la vision documentaire.
- Placer les animaux parmi nos albums de famille
Je passe du temps sur le terrain à suivre les animaux, à les observer et à chercher l’osmose entre eux et leur environnement. Mes images sont d’avantage des illustrations du quotidien des bêtes, des clichés de leur lien filial intime. Je ne cherche pas les scènes de prédation ni d’accouplement qui relèvent du spectacle. J’envisage les animaux comme des personnes et suis d’avantage en quête d’une expression, d’une posture, d’un trait de caractère : ce que le noir et blanc met parfaitement en exergue. J’aimerais que mon travail réveille notre perception des bêtes et les place dans notre univers personnel parmi nos instantanés de vie et nos albums de famille.