04.10.2016

5 leçons sur la photo de rue

Rédigé par:
Ben PG

04.10.2016

5 leçons sur la photo de rue

La photographie de rue est un gros mot. Un gros mot d’aujourd’hui comme DJ ou critique de cinéma ont pu l’être par le passé. Tout le monde a un appareil photo numérique ou simplement un smartphone. Tout le monde prend des photos.

Qu’est ce qu’un photographe de rue ? Il n’a en rien l’excellence d’un photographe de mode. Il n’a en rien la technique et la précision d’un photographe d’architecture ou industriel. Il est bien loin des prises de risque des photographes de guerre. Bien souvent, cet individu se contente de photographier ce qui l’entoure, comme les grands Photographes Humanistes avant lui. Il n’en est pour autant pas l’héritier et il ne saurait en avoir la prétention. Quel mérite y a t-il à se promener, un appareil photo à la main pour figer dans le temps la mamie assise chaque jour sur le même banc, regardant les mêmes passants, dans une tenue quasi identique et blâmant le temps ? Tout simplement aucune.

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Nous sommes en 2016, une année comme les autres.

C’est ici la première chose que la photo de rue m’a poussé à considérer. Chaque moment est lambda. Pourtant, en examinant tout magazine, revue ou livre, des clichés viennent illustrer les moments forts de l’Histoire comme les périodes plus longues. Périodes de Guerres, famines et autres tragédies misent à part, quel peut être l’individu convaincu de figer avec son travail le moment crucial symbolisant tout un mouvement ? Mon avis est discutable, mais je pense qu’il n’en est aucun.

La photo de rue prend son sens avec le temps. L’émotion peut être présente et ressentie dès l’instant au même titre qu’une lumière peut parfaitement enlacer une situation du quotidien.

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Pour autant, le sens de cette photo vivra avec les mois et les années passants.

Prendre une photo « sans intérêt » n’est pas envisageable. La technique, la lumière et surtout l’émotion du moment sont les seuls facteurs pouvant accompagner notre envie d’appuyer sur le déclencheur. La subjectivité et l’Histoire feront leur travail et la valeur de ce travail aux yeux du spectateur.

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Les villes vieillissent à nos yeux.

Chaque ville est unique et notre relation avec celles-ci vit avec le temps. Comme pour une rencontre humaine, on peut facilement identifier trois phases dans le rapport à l’environnement.

La période de découverte est surement la plus excitante et la plus propice à la photo instantanée. Chaque angle de rue étant porteur de nouveautés, il est relativement aisé d’identifier des éléments sortant de l’ordinaire. Etant étranger à cet univers, nous sommes encore dans une posture proche de nombreux spectateurs en recherche de découverte et dépaysement.  Le risque ici, est de ne parler qu’à soit même, de prendre une bonne photo de vacances. J’en ai des tonnes.

La deuxième étape intervient lorsque les surprises se font plus rares et nécessitent un effort de la part du photographe. Il devient ici indispensable d’être attentif. On connaît les quartiers, on a déjà fréquenté les rues et les passants semblent perdre peu à peu de leur singularité. C’est surement la période que j’apprécie le plus. Je trouve très plaisant de connaître les codes principaux d’une ville tout en entrant dans les détails du quotidien. Cela me fait penser à monter dans un train. Lorsque le train passe en gare, il est impressionnant, presque effrayant. Alors que je monte dans le wagon, je peux enfin le toucher, figer les visages à son bord, échanger avec eux et comprendre leur voyage. Peu à peu, la campagne environnante paraît calme et vide. Je me plonge égoïstement dans cette excitation passagère et oublie progressivement le rythme qui était précédemment ma norme.

Puis, le voyage durant, la routine et l’ennui commencent à apparaître. C’est bien-sur ce qu’on appelle le quotidien. Le privilège du photographe est de pouvoir s’appuyer sur son appareil telle une cane pour parcourir la banalité d’une journée. C’est souvent dans cette phase que les prises de vue sont à la fois moins nombreuses et bien mieux construites. Il faut allier patience et persévérance pour savoir capturer le moment exceptionnel.

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Chaque photographe favorise l’une ou l’autre de ces étapes. Seule la pratique et le voyage permette de découvrir celle qui collera le plus à votre type de photographie et aux émotions que vous aimez transmettre. A titre personnel, la découverte de la ville m’excite particulièrement. J’appelle ça apprendre par les kilomètres.

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Marcher, marcher et encore marcher

C’est surement la chose la plus banale ou logique que j’ai pu apprendre de ma pratique de la photographie mais il faut bien que ce soit dit : Les bonnes photos viennent des bons endroits.

La photographie de rue implique de parcourir un nombre incalculable de kilomètre.

Pour cela, il est nécessaire de définir son équipement type. Je ne parle pas ici de boitier ou encore trépied mais bien de vêtements et accessoires. Pour ma part, je me focalise avant toute chose sur les baskets et le sac. Mes pieds sont faits pour des baskets en toile simples et légères. Je le sais, je l’ai expérimenté. Pourquoi partir avec autre chose ? Je pense ensuite à mes accessoires et là aussi je tente d’aller au plus simple. Je favorise les sacs compacts et permettant un accès facile à mon matériel mais aussi à un coupe vent, une casquette et des lunettes.

A ce niveau, chacun aura sa préférence et le seul conseil que je pourrais donner sera de toujours favoriser ce qui se fond dans le décor. Les chaussures purement sportives vous colleront une étiquette de touriste et un sac trop imposant avec une marque trop visible vous identifiera immédiatement, à tors ou à raison, comme professionnel.

Il est pour moi impératif d’allier confort et discrétion pour pouvoir observer et capturer des instants de vie naturels en toute situation.

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Ne pas appuyer

Par de belles journées, l’envie de s’équiper et de partir à la découverte de ma ville se fait souvent ressentir. Je traverse des quartiers entiers et fais de nombreuses rencontres. Peu à peu, je prends moins de photos. Car effectivement, rien ne m‘oblige à appuyer sur le déclencheur.

Ce qui est surement naturel ou inversé pour un grand nombre de photographe ne m’est venu que tardivement non par souci artistique mais plus par plaisir.

Il est important de pouvoir profiter des moments. Certains instants se vivent bien plus qu’ils ne se figent.

Je pense que ce mal est propre aux adeptes du numériques tant il est simple de prendre un grand nombre de photos et de les effacer par la suite. Il n’y a aucune obligation à shooter en grande quantité mais le risque de passer à coté de « l’instant » est grand et il faut savoir rester éveillé et garder l’appareil à portée de main.

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Figer un moment de vie

La photographie de rue fige les périodes et les événements souvent de façon brute et toujours avec la subjectivité du photographe. En cela, elle fige également la vie, l’état d’esprit et la sensibilité du photographe à un moment donné.

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Ce sera le dernier point que je développerai ici et peut être mon principal enseignement venant de ma pratique. J’apprends sur moi même.

Mes premiers constats furent d’apprendre beaucoup des autres puis d’accepter de me livrer aux autres au travers de mes photos. Aujourd’hui, je peux me replonger dans certaines périodes et me comprendre. Mes photos me permettent une relecture, toujours subjective, des événements que j’ai pu traverser. Non seulement cela me permet de retravailler certains clichés et d’en sortir une version parfois techniquement plus aboutie mais surtout de redécouvrir ces moments de vie. De ma propre vie. Photographier la rue c’est avant tout photographier ses rues. Se redécouvrir au travers de sa propre approche peut être perturbant mais toujours enrichissant. On se voit évoluer, prendre en confiance, se rapprocher du sujet, puis être plus calme, plus contemplatif, attendre le moment, profiter de l’instant pour mieux repartir à nouveau.

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Ben PG

Français

Photographe de rue français né à Nîmes, Ben traîne ses baskets depuis 5 ans entre l’Europe et l’Amérique du nord. Basé maintenant entre Paris, New-York et Londres, il centre sont travail photographique sur les rencontres et les échanges.

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