Commençons par une évidence : il fait froid, l’hiver, en Norvège. Pourtant, lorsque nous arrivons dans les Lofoten, cet archipel du Nord du pays, nous savourons une certaine douceur. En effet, bien que situé dans le Cercle Polaire Arctique, les Lofoten bénéficient d’un climat très doux en comparaison d’autres régions situées aux mêmes latitudes : la température ne descendra presque pas sous -10°C.
Mon compagnon et moi-même avions choisi de rester sur Moskenesøya, dans le Sud des Lofotens : l’une des îles les plus belles de la région. Nous passons une semaine à faire des randonnées en raquettes, à marcher sur les lacs gelés, à se promener entre les fjords et les pleines enneigées.
En allant en Norvège en février, nous avions une idée derrière la tête : voir des aurores boréales. Les premières nuits, nous avons scruté le ciel en vain. Rien à faire, entre les tempêtes de neige et les nuages, impossible d’apercevoir la moindre lumière verte. J’avais installé quelques applications spécialisées sur mon smartphone, que je consultais avidement, à longueur de soirées, mais sans succès.
Puis, enfin, la chance a tourné. Ce soir-là, nous dormions à Reine et, en rentrant de notre randonnée, nous avons vu une dizaine de personnes sur le pont qui surplombe la ville. Un détour à notre rorbu (cabane de pêcheur, hébergement classique pour les voyageurs dans les Lofoten) pour vérifier les prévisions : elles étaient excellentes ! Nous déposons nos raquettes, rajoutons une couche de vêtements, et repartons, trépied sous le bras, plus motivés que jamais.
Je mets le matériel photo en place, fais quelques essais, puis nous nous asseyons et commençons à grignoter. Il est là, le secret pour une bonne soirée à attendre les aurores : des vêtements chauds, et de quoi manger !
Peu à peu, nos voisins perdent patience et repartent. Nous sommes bientôt seuls sur le pont. Cela fait déjà plus de trois heures que nous attendons quand de petites aurores apparaissent. On les distingue à peine à l’oeil nu, de simple petites taches claires dans le ciel. On pourrait les confondre avec des nuages ou la légère pollution lumineuse des lampadaires ; c’est la visualisation sur l’appareil photo qui me confirme ce que nous voyons : sur l’écran LCD, pas de doute, des traînées vertes cisaillent le ciel.
Je lance un time lapse (visible à la fin de cette vidéo).
Je suis un peu déçue. C’est donc ça, une aurore boréale ? Nous restons assis sur le pont encore un long moment. Mon reflex enchaîne les photos, nous finissons les chips. Je commence à vraiment avoir mal aux pieds. Il fait froid, je sautille sur place. Nous décidons de rentrer. Les traînées verdâtres continuent mais ça nous suffit. Je replie le trépied, range les filtres, et nous marchons vers la ville. Soudain, je lève la tête. Là, au-dessus de nous, une sorte de gaz vert fluo se propage soudainement et perdure dans des volutes époustouflantes. Je mets quelques secondes à réaliser ce que je vois et à prévenir mon compagnon, qui continue de marcher. Nous restons sans voix, le spectacle est grandiose, impossible à décrire. Le vert irradie littéralement le ciel. C’est donc ça, une aurore boréale!
J’hésite entre contempler la scène et sortir l’appareil. Je me dis que ce n’est pas la peine, que dans quelques secondes ce sera fini, que je n’ai pas le temps d’installer le matériel. Puis, finalement, nous nous mettons à courir, vite, vers un endroit dégagé ; quelques réglages, et c’est parti. Nous savourons cette aurore rien que pour nous, sans autre bruit que mon obturateur.
Le lendemain matin, notre voisine de rorbu frappe à la porte. Elle a aperçu notre matériel et veut savoir si nous avons pris des photos: elle n’a pas réussi à photographier le spectacle avec son compact. C’est là que je réalise la nécessité d’immortaliser un tel moment : c’est tellement irréel, qu’il nous faut une image pour nous souvenir de ce que nous avons vraiment vu!
Aurélie Amiot
Aurélie Amiot est photographe et blogueuse, spécialisée sur le voyage. En juin 2013, elle a sorti un livre chez Eyrolles “Conseils Photo pour les Voyageurs”.
Son blog : http://www.madame-oreille.com/blog
Retrouvez-la sur Facebook, Twitter, Instagram ou encore Google +.